DOSSIER DES LATINISTES

Sommaire

DIALOGUE 42
César et Alexandre

DIALOGUE 43
Pompée et César

DIALOGUE 44
Cicéron et Auguste

 

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Balades littéraires

Dialogues des morts
de
Fénelon (1651-1715)

précepteur du duc de Bourgogne

DIALOGUE 42

César et Alexandre

Caractères d'un tyran, et d'un prince qui, étant né avec les plus belles qualités pour faire un grand roi, s'abandonne à son orgueil et à ses passions. L'un et l'autre sont les fléaux du genre humain ; mais l'un est à plaindre, et l'autre fait l'horreur de l'humanité.

Alexandre. - Qui est donc ce Romain nouvellement venu ? Il est percé de bien des coups. Ah ! J'entends qu'on dit que c'est César. Je te salue, grand Romain : on disoit que tu devois aller vaincre les Parthes et conquérir tout l'Orient ; d'où vient que nous te voyons ici ?

César. - Mes amis m'ont assassiné dans le sénat.

Alexandre. - Pourquoi étois-tu devenu leur tyran, toi qui n'étois qu'un simple citoyen de Rome ?

César. - C'est bien à toi à parler ainsi ! N'as-tu pas fait l'injuste conquête de l'Asie ? N'as-tu pas mis la Grèce dans la servitude ?

Alexandre. - Oui : mais les Grecs étoient des peuples étrangers et ennemis de la Macédoine. Je n'ai point mis, comme toi, dans les fers ma propre patrie ; au contraire, j'ai donné aux Macédoniens une gloire immortelle avec l'empire de tout l'Orient.

César. - Tu as vaincu des hommes efféminés, tu es devenu aussi efféminé qu'eux. Tu as pris les richesses des Perses, et les richesses des Perses t'ont vaincu en te corrompant. As-tu porté jusqu'aux enfers cet orgueil insensé qui te fit croire que tu étois un dieu ?

Alexandre. - J'avoue mes fautes et mes erreurs. Mais est-ce à toi à me reprocher ma mollesse ? Ne sait-on pas ta vie infame en Bithynie, ta corruption à Rome, où tu n'obtins les honneurs que par des intrigues honteuses ? Sans tes infamies tu n'aurois jamais été qu'un particulier dans ta république. Il est vrai aussi que tu vivrois encore.

César. - Le poison fit contre toi à Babylone ce que le fer a fait contre moi dans Rome.

Alexandre. - Mes capitaines n'ont pu m'empoisonner sans crime ; tes concitoyens, en te poignardant, sont les libérateurs de leur patrie : ainsi nos morts sont bien différentes. Mais nos jeunesses le sont encore davantage : la mienne fut chaste, noble, ingénue ; la tienne fut sans pudeur et sans probité.

César. - Ton ombre n'a rien perdu de l'orgueil et de l'emportement qui ont paru dans ta vie.

Alexandre. - J'ai été emporté par mon orgueil, je l'avoue. Ta conduite a été plus mesurée que la mienne : mais tu n'as point imité ma candeur et ma franchise. Il falloit être honnête homme avant que d'aspirer à la gloire de grand homme. J'ai été souvent foible et vain ; mais au moins j'étois meilleur pour ma patrie et moins injuste que toi.

César. - Tu fais grand cas de la justice sans l'avoir suivie. Pour moi, je crois que le plus habile homme doit se rendre le maître, et puis gouverner sagement.

Alexandre. - Je ne l'ai que trop cru comme toi. Eaque, Rhadamanthe et Minos m'en ont sévèrement repris, et ont condamné mes conquêtes. Je n'ai pourtant jamais cru dans mes égarements qu'il fallût mépriser la justice. Tu te trouves mal de l'avoir violée.

César. - Les Romains ont beaucoup perdu en me tuant : j'avois fait des projets pour les rendre heureux.

Alexandre. - Le meilleur projet eût été d'imiter Sylla, qui, ayant été tyran de sa patrie comme toi, lui rendit la liberté : tu aurois fini ta vie en paix comme lui. Mais tu ne peux me croire : je te quitte, et vais t'attendre devant les trois juges qui te vont juger.

 

DIALOGUE 43

Pompée et César

Rien n'est plus fatal dans un état libre que la corruption des femmes et la prodigalité de ceux qui aspirent à la tyrannie.

Pompée. - Je m'épuise en dépenses pour plaire aux Romains, et j'ai bien de la peine à y parvenir. A l'âge de vingt-cinq ans j'avois déjà triomphé. J'ai vaincu Sertorius, Mithridate, les pirates de Cilicie. Ces trois triomphes m'ont attiré mille envieux. Je fais sans cesse des largesses, je donne des spectacles, j'attire par mes bienfaits des clients innombrables ; tout cela n'apaise point l'envie. Le chagrin Caton refuse même mon alliance. Mille autres me traversent dans mes desseins. Mon beau-père, que pensez-vous là-dessus ? Vous ne dites rien ?

César. - Je pense que vous prenez de fort mauvais moyens pour gouverner la république.

Pompée. - Comment donc ! Que voulez-vous dire ? En sauriez-vous de meilleurs que de donner à pleines mains aux particuliers pour enlever leurs suffrages, et que de gagner la faveur du peuple par des gladiateurs, par des combats de bêtes farouches, par des mesures de blé et de vin, enfin que d'avoir beaucoup de clients zélés pour les sportules que je donne ? Cinna, Marius, Sylla, tous les autres les plus habiles, n'ont-ils pas pris ce chemin-là ?

César. - Tout cela ne va point au but, et vous n'y entendez rien. Catilina étoit de meilleur sens que tous ces gens-là.

Pompée. - En quoi ? Vous me surprenez : parlez-vous sérieusement ?

César. - Oui. Je ne fus jamais si sérieux.

Pompée. - Quel est donc ce secret pour apaiser l'envie, pour guérir les soupçons, pour charmer les patriciens et les plébéiens ?

César. - Le voulez-vous savoir ? Faites comme moi. Je ne vous conseille que ce que je pratique moi-même.

Pompée. - Quoi ? Flatter le peuple sous une apparence de justice et de liberté ? Faire le tribun ardent et le zélé Gracchus ?

César. - C'est quelque chose, mais ce n'est pas tout ; il y a encore quelque chose de bien plus sûr.

Pompée. - Quoi donc ? Est-ce quelque enchantement magique, quelque invocation de génie, quelque science des astres ?

César. - Bon ! Tout cela n'est rien : ce ne sont que contes de vieilles.

Pompée. - Ho ! Vous êtes bien méprisant. Vous avez donc quelque commerce avec les dieux, comme Numa, Scipion, et plusieurs autres ?

César. - Non, tous ces artifices-là sont usés.

Pompée. - Quoi donc ? Enfin ne me tenez plus en suspens.

César. - Voici les deux points fondamentaux de ma doctrine : premièrement, corrompre toutes les femmes, pour entrer dans le secret le plus intime de toutes les familles ; en second lieu, emprunter et dépenser toujours sans mesure, ne payer jamais rien. Chaque créancier est intéressé à avancer votre fortune, pour ne perdre point l'argent que vous lui devez. Ils vous donnent leurs suffrages ; ils remuent ciel et terre pour vous procurer ceux de leurs amis. Plus vous avez de créanciers, plus votre brigue est forte. Pour me rendre maître de Rome, je travaille à être le débiteur universel de toute la ville. Plus je suis ruiné, plus je suis puissant. Il n'y a qu'à dépenser, les richesses nous viennent comme un torrent.

 

DIALOGUE 44

Cicéron et Auguste

Obliger des ingrats, c'est se perdre soi-même.

Auguste. - Bonjour, grand orateur. Je suis ravi de vous revoir ; car je n'ai pas oublié toutes les obligations que je vous ai.

Cicéron. - Vous pouvez vous en souvenir ici-bas, mais vous ne vous en souveniez guère dans le monde.

Auguste. - Après votre mort même je trouvai un jour un de mes petits-fils qui lisoit vos ouvrages : il craignit que je ne blâmasse cette lecture, et fut embarrassé ; mais je le rassurai, en disant de vous : c'étoit un grand homme, et qui aimoit bien sa patrie. Vous voyez que je n'ai pas attendu la fin de ma vie pour bien parler de vous.

Cicéron. - Belle récompense de tout ce que j'ai fait pour vous élever ! Quand vous parûtes, jeune et sans autorité, après la mort de César, je vous donnai mes conseils, mes amis, mon crédit.

Auguste. - Vous le faisiez moins pour l'amour de moi que pour contrebalancer l'autorité d'Antoine, dont vous craigniez la tyrannie.

Cicéron. - Il est vrai, je craignis moins un enfant que cet homme puissant et emporté. En cela je me trompois, car vous étiez plus dangereux que lui. Mais enfin vous me devez votre fortune. Que ne disois-je point au sénat, pendant que vous étiez au siège de Modène, où les deux consuls Hirtius et Pansa, victorieux, périrent ? Leur victoire ne servit qu'à vous mettre à la tête de l'armée. C'étoit moi qui avois fait déclarer la république contre Antoine par mes harangues qu'on a nommées philippiques. Au lieu de combattre pour ceux qui vous avoient mis les armes à la main, vous vous unîtes lâchement avec votre ennemi Antoine, et avec Lépide, le dernier des hommes, pour mettre Rome dans les fers. Quand ce monstrueux triumvirat fut formé, vous vous demandâtes des têtes les uns aux autres. Chacun, pour obtenir des crimes de son compagnon, étoit obligé d'en commettre. Antoine fut contraint de sacrifier à votre vengeance L. César, son propre oncle, pour obtenir de vous ma tête ; et vous m'abandonnâtes indignement à sa fureur.

Auguste. - Il est vrai, je ne pus résister à un homme dont j'avois besoin pour me rendre maître du monde. Cette tentation est violente, et il faut l'excuser.

Cicéron. - Il ne faut jamais excuser une si noire ingratitude. Sans moi vous n'auriez jamais paru dans le gouvernement de la république. Oh ! Que j'ai de regret aux louanges que je vous ai données ! Vous êtes devenu un tyran cruel ; vous n'étiez qu'un ami trompeur et perfide.

Auguste. - Voilà un torrent d'injures. Je crois que vous allez faire contre moi une philippique plus véhémente que celles que vous fîtes contre Antoine.

Cicéron. - Non, j'ai laissé mon éloquence en passant les ondes du Styx : mais la postérité saura que je vous ai fait ce que vous avez été, et que c'est vous qui m'avez fait mourir, pour flatter la passion d'Antoine. Mais ce qui me fâche le plus, c'est que votre lâcheté, en vous rendant odieux à tous les siècles, me rendra méprisable aux hommes critiques : ils diront que j'ai été la dupe d'un jeune homme qui s'est servi de moi pour contenter son ambition. Obligez les hommes mal nés, il ne vous en revient que de la douleur et de la honte.

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