DOSSIER DES LATINISTES

Le théâtre à Rome

par Viviane Durussel

Prototype de dossier personnel soumis à examen oral

Sujet présenté à l'université de Neuchâtel, dans le cadre du cours LCA, mai 2000

ES Cossonay, décembre 2001

 

L'acteur-roi
Fresque d'Herculanum (39 x 39 cm.), Naples, Musée archéologique
Source : Antonio Varone et Erich Lessing, Pompéi, Ed. Terrail, Paris 1995, p. 182

 

Table des matières

1. Introduction

Définition du sujet
2. Les différents spectacles et les différents lieux de spectacle en Grèce et à Rome

3. Théâtre grec et théâtre romain : quelles différences ?

4. Le théâtre romain : du religieux au littéraire

5. Les construction des théâtres : du provisoire au permanent

6. Rôle social du théâtre : deux conceptions différentes en Grèce et à Rome

7. Le cadre des représentations théâtrales : les Jeux

8. Le donataire des Jeux : le dator ludi

9. Les gens de théâtre

le dominus gregis

les acteurs et les danseurs

le statut paradoxal de l'acteur

10. Les personnages et les costumes

11. Le jeu de l'acteur

12. Le décor et la machinerie

13. La mise en scène

14. La musique

15. Le public

a/ Le grand public

b/ Le public des lettrés

Conclusion

a/ Les grands spectacles

b/ L'organisation des salles de spectacle

c/ Le théâtre antique

d/ Le théâtre à sujets antiques

 

Documents annexes

Trois textes latins

Consignes et descriptif du dossier

Quelques conseils pour la rédaction

 

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1. Introduction

 

Définition du sujet

Il suffit de réfléchir à tous les sens du mot "théâtre" en français pour voir qu'un tel sujet touche aussi bien à la littérature qu'à l'architecture ou à la religion. Plutôt que de me limiter à l'aspect purement technique du théâtre (cadre et organisation des représentations, troupe et acteurs, costumes, masques, machinerie, accessoires, public ...), j'ai choisir d'élargir le sujet et d'en modifier légèrement le titre, de façon à traiter ici du "phénomène-spectacle" à Rome.

 

2. Les différents spectacles et les différents lieux de spectacle

Il n'est pas possible de parler du théâtre romain sans faire référence au théâtre grec, car le théâtre romain est un phénomène importé de Grèce. Je vais chercher à isoler les caractéristiques spécifiquement romaines des théâtres, à chercher les causes des modifications architecturales des théâtres romains par rapport aux théâtres grecs et à établir une chronologie de la construction des théâtres à Rome.

En Grèce, il n'y a qu'un seul et même lieu, le théâtre, où se donnent trois types de représentations différentes : tragédie, comédie, drame satyrique. Le stade, autre lieu de spectacle, ne sert de cadre qu'à des exhibitions sportives.

voir Annexe : illustration 1 et 2.

Il y a aussi des "cirques" en Grèce, les hippodromes, dans lesquels se font des courses de chars. Ces dernières exhibitions ont toujours lieu dans le cadre religieux des concours athlétiques (courses de chars d'Olympie ou des Panathénées à Athènes).

A Rome, il y a quatre types de monuments différents, où ont lieu quatre types de spectacles différents : le cirque, pour les courses de chars ; l'amphithéâtre, pour les combats opposant des hommes deux à deux ou des hommes et des animaux ; le théâtre, pour les représentations dramatiques (plus ou moins comme en Grèce) et les pantomimes ; l'odéon, un théâtre plus petit, réservé aux spectacles lyriques, lecture de textes poétiques avec accompagnement musical, selon la tradition grecque .

Nous pouvons déduire de ce catalogue que, contrairement à ce qui se passe dans la Grèce classique, à Rome, chaque type de spectacle possède un lieu qui lui est propre. Ce lieu se distingue des autres lieux de spectacle tant par sa forme que par ses dimensions (et le nombre de places qu'il offre).

Pour simplifier :

Le cirque est une enceinte rectangulaire, dont l'un des côtés forme un demi-cercle.
A l'époque d'Auguste, le Cirque Maxime avait 620 m. de long sur 120 de large et pouvait accueillir 150'000 spectateurs.

L'amphithéâtre est une ellipse (188 m. dans son grand axe, 156 m. dans son petit axe pour le Colisée et au moins 50'000 places).

Le théâtre est un vaste hémicycle : 27'000 places dans le théâtre de Pompée.

 

3. Théâtre grec et théâtre romain : quelles différences ?

On faut faire d'emblée deux précisions :

- C'est le théâtre grec qui a "fait" le théâtre romain, mais la spécificité du théâtre romain a légèrement modifié l'architecture du monument, ainsi que la structure et le contenu des spectacles dramatiques.

- Quand le spectacle est typiquement romain (combats de gladiateurs), il suscite une architecture originale (amphithéâtre) : "circumspectacle" et substructures, qui n'existent pas en Grèce et qu'on ne voit encore dans l'amphithéâtre de Pompéi, le plus ancien d'Italie.

Au départ, le théâtre grec est un espace circulaire en terre battue et en plein air (plus tard l'orkhêstra ), avec au centre un autel (la thumelé ) autour duquel chantaient et dansaient les choristes ; puis les places respectives des participants sont délimitées : le choeur et le récitant dans l'orkhêstra , les acteurs devant un édifice rectangulaire (où est rangée la machinerie) : la skêné, le public dans un hémicycle de praticables de bois, puis de gradins de pierre adossés à la pente (theatron = endroit "d'où l'on voit") auquel on accède par deux couloirs latéraux à ciel ouvert, la parodos (passage utilisé aussi par le choeur). La skêné primitive (simple baraque en bois) se complique et devient un ensemble architectural à deux étages, avec à mi-hauteur une avancée, le proskênion, dont le toit forme une véritable scène.

Capacité : de 5000 places (Délos) jusqu'à 15'000 places (Athènes, Epidaure)

L'architecture du théâtre romain se modifie.

L'orchestra du théâtre romain n'est plus occupée par le choeur, mais elle est partiellement réservée aux spectateurs de marque. La scène est plus profonde (13 m. à Orange / 3, 20 m. à Epidaure) et plus basse que celle du théâtre grec (en moyenne 1, 50 m. /4 m. à Athènes). Le décor est formé par un gigantesque mur de scène (le frons scaeneae : 36 m. de haut et 103 de large à Orange), orné de colonnades et de statues, percé de trois portes. Le public accède aux divers étages de l'hémicycle (cavea ) par des passages voûtés (vomitoria), rendus possibles par la structure même de la cavea, qui, au lieu de prendre appui sur une colline, élève ses voûtes et ses colonnades en terrain plat.

Quelques villes de province ont utilisé les pentes naturelles pour construire des gradins à la façon grecque, mais ce n'est le cas pour aucun des trois théâtres de Rome, où pourtant les collines ne manquent pas !

Un velum (= un voile tendu au-dessus de la cavea pour protéger les spectateurs du soleil) peut être tendu au-dessus de l'hémicycle .

Capacité des théâtres romains : 30'000 places dans le théâtre de Pompée, 17'000 dans celui de Marcellus (à titre de comparaison : 3600 places à la Scala de Milan).

Plans comparés d'un théâtre grec (à gauche) et d'un théâtre romain (à droite)
 

Théâtre grec

1. theatron, 2. thumelê

3. orkhêstra, 4. parodos, 5. proskênion, 6. skênê

Théâtre romain

7. cavea, 8. vomitoria, 

9. sièges d'honneur, 

10. vomitorium principal,

11. proscenium (pulpitum), 12. frons scenae, 13. scena


 

4. Le théâtre romain : du religieux au littéraire

A l'origine du théâtre romain, il semble y avoir eu de grandes processions religieuses, dans lesquelles danseurs et mimes (certains d'origine étrusque) figurent une sorte de mascarade sacrée, destinée à réjouir les dieux dont on promène solennellement les statues en ces jours de fête. Selon Tite-Live (Hist. 7, 2), la première représentation théâtrale publique à Rome (en 364 av. J.-C.) a bien eu une fonction religieuse : on fit venir d'Etrurie des danseurs et des musiciens pour apaiser la colère des dieux, manifestée au travers d'une épidémie, en représentant des pantomimes. Tite-Live donne le nom de saturae ("pot-pourri") à ces représentations dramatiques d'époque ancienne, qui combinent chant, musique et danse mimétique. Ces représentations sont aussi à l'origine de la "satire", forme littéraire mixte, à demi-théâtrale, qui est un commentaire sur des sujets d'actualité.

Ce lien entre théâtre et phénomène religieux n'est pourtant plus du tout perçu trois siècles plus tard, à l'époque des constructions des théâtres à Rome.

Il faut relever que le goût des Romains pour le "spectaculaire" est ancien et constant et se retrouve partout (cérémonies, processions triomphales ou funéraires, goût pour l'éloquence ... ) : il y a toujours eu, en Italie, des spectacles donnés par des comédiens ambulants, sur des tréteaux provisoires devant un public debout.

Au 3e s., les pantomimes n'ont plus lieu dans un cadre religieux.

Plus tard, sous l'influence grecque, de véritables pièces, tragédies et comédies, sont jouées sur une scène : les poètes, imitant les oeuvres hellénistiques, les adaptent, tout en conservant certains caractères proprement italiens et latins préexistants à cette importation, qu'on trouve chez les personnages des farces atellanes. Le public connaissait déjà, grâce aux comédiens ambulants qui parcouraient les bourgades d'Italie centrale ces personnages typés : Maccus, l'imbécile ; Dossenus, le bossu ; Pappus, le vieux barbon etc.

En 240 av. J.-C. sont représentées à Rome pour la première fois des "pièces à texte". Cette innovation se fait dans le cadre des ludi Romani (particulièrement somptueux cette année-là, pour fêter la fin de la première guerre punique) . On y représente une tragédie et une comédie de Livius Andronicus, inspirées d'une tragédie et d'une comédie grecques.

 

5. Les construction des théâtres : du provisoire au permanent

Si les cirques ont toujours existé à Rome, ce n'est pas le cas des théâtres. La résistance à la construction des théâtre permanents en pierre est un problème proprement romain.

En suivant les indications données par Valère Maxime (II, 4, 1-4 et 6), nous pouvons reconstituer les trois étapes qui ont mené à la victoire des théâtres permanents.

1e étape : des premiers jeux scéniques (364) à la fin du 3e siècle

Les pièces de Plaute, Térence, Ennius, Pacuvius sont jouées sur des scènes provisoires, qu'on monte pour chaque représentation, dans un lieu qui n'est pas fixe : sur le Forum (pour les jeux funèbres), dans le Grand Cirque (pour les jeux annuels : Ludi Romani ou Ludi Plebei ), devant un temple (pour les jeux dédiés à un dieu). Les spectateurs restent debout : leur permettre de s'asseoir aurait été faire preuve de mollesse et cette décadence aurait pu mettre en danger l'Etat romain !

Texte

"Les uns disaient que Cn. Pompée aussi avait encouru les reproches des vieillards pour avoir bâti un théâtre permanent ; avant lui, on se contentait ordinairement, pour donner les jeux, d'estrades improvisées et d'une scène d'occasion ; et même, si on remontait plus haut, le public y assistait debout ; on eût craint qu'assis il ne passât toutes ses journées au théâtre, à ne rien faire." (Tacite, Annales, XIV, 20, 2)

2e étape : Jusqu'en 55 av. J.-C., les théâtres sont toujours provisoires. En 160, une première construction n'aboutit pas : les travaux commencés sont arrêtés et démolis, le matériel vendu aux enchères et le Sénat interdit d'élever des gradins à l'intérieur de la ville et à moins de mille pas hors de la ville pour cause d'immoralité publique.

Texte

"A l'initiative de Publius Scipion Nasica, il fut décidé que tout le matériel qui avait servi à les bâtir serait mis aux enchères pour être vendu. Et même un sénatus-consulte a été pris pour empêcher que dans la ville ou à moins de mille pas de ses limites, on cherchât à placer des gradins ou à s'asseoir pour assister aux Jeux publics ... " (Valère Maxime II, 4, 2)

Mais les théâtres, même provisoires, deviennent de plus en plus confortables et luxueux. Au 1er siècle, viennent s'ajouter à la structure rudimentaire des aménagements plus élaborés. On voit apparaître le velum , le mur de scène (très richement décoré), le rideau de scène et les décors. La première mention du rideau de scène date de 133 à propos d'une tenture de très grand prix provenant de la succession du roi Attale. A l'inverse du nôtre, le rideau de scène est descendu dans une gorge au début de la pièce et se remonte à la fin du spectacle.

Le financement de la construction des théâtres ruine les magistrats donataires des Jeux. On peut citer l'exemple de M. Aemilius Scaurus, édile en 58, qui engloutit sa fortune dans sa magistrature en faisant construire, pour un mois, un théâtre immense (80'000 places), d'un luxe inouï.

Texte

"Scaurus construisit pour quelques jours un théâtre de 80'000 places à 3 étages, ayant 360 colonnes : le premier en marbre, le deuxième en verre, le troisième en bois doré, sans compter 3000 statues d'airain, les étoffes attaliques, les tableaux ... " (Pline l'Ancien, HN. 36, 24)

3e étape : En 55, Pompée fait construire, avec le butin de la guerre contre Mithridate, le premier théâtre de pierre de Rome sur le Champ de Mars (30'000 spectateurs). Pour le faire accepter des aristocrates, Pompée est obligé de le faire passer comme une simple dépendance d'un temple élevé à Venus Victrix, sa protectrice. Les gradins ne sont que l'escalier qui mène au temple ; face à cet escalier, on construit une scène, adossée à un immense portique, ainsi qu'une salle rectangulaire que Pompée offre au Sénat pour remplacer l'ancienne Curie, sombre et vieillotte. Le monument jouit ainsi d'une double garantie religieuse et politique : il est consacré et le Sénat s'y réunit.

Pourtant, le théâtre de Pompée, dans le Champ de Mars, n'est toujours pas dans la ville. Sous l'Empire, se construisent encore deux théâtres à Rome, le théâtre de Marcellus et celui de Balbus.

Comme Pompée, César avait voulu, lui aussi, faire construire un théâtre ; il avait même acheté à cet effet un terrain près du Capitole : le théâtre aurait été adossé à la pente, comme celui de Dionysos à Athènes. Ce projet reste en panne. Auguste réalise cette construction, sur un terrain différent, proche du temple d'Apollon. Le théâtre dit "de Marcellus" (14'000 places) est inauguré lors des Jeux Séculaires de 17 av. J.-C., sous l'invocation d'Apollon.

Dans le même temps, se construit sur le Champ de Mars, le théâtre de L. Cornelius Balbus (inauguré en 13 av. J.-C. : 7000 places).

Comme ces espaces ne suffisent pas, on continue de construire des théâtres temporaires.

C'est paradoxalement le gigantisme de ces constructions qui va, à relativement court terme, causer la mort du théâtre, que ces hémicycles nouveaux étaient justement censés promouvoir, malgré les prouesses acoustiques des ingénieurs, les masques des acteurs censés porter la voix, le texte ne pouvait tout simplement pas être à la portée d'un tel auditoire !

Texte

"On pourrait croire que les auteurs s'adressent à un âne sourd ! Car où trouver un acteur à la voix suffisamment forte pour dominer le brouhaha dont retentissent nos théâtres ? " (Horace)

 

6. Rôle social du théâtre : deux conceptions différentes en Grèce et à Rome

Si les Romains ont adapté l'architecture des théâtres grecs à leurs propres besoins, cette adaptation révèle aussi une conception complètement différente du spectacle et de son rôle dans la vie de la cité.

On peut schématiquement dire les choses comme ceci :

Le théâtre grec est un lieu ouvert du point de vue architectural. Il est adossé à une pente naturelle, à ciel ouvert, le regard des spectateurs voit le décor naturel qu'est le paysage. C'est la même chose sur le plan social et politique : c'est un édifice à caractère religieux et démocratique dont toutes les places sont bonnes, un lieu de pédagogie politique, étroitement lié à la vie de la cité.

L'architecture d'un théâtre romain en fait un lieu fermé sur soi. Les innovations techniques (apparition du béton à la fin du 3ème siècle, invention de l'arc) permettent de construire des théâtres et des amphithéâtres qui reposent sur un substrat constitué d'un réseau de galeries. C'est pourquoi la pente des gradins est créée artificiellement par une série d'arcs et de voûtes ; le public accède aux différentes places par un réseau de galeries qui évite de mettre en contact les spectateurs de classes sociales différentes (voir l'exemple très convaincant de l'amphithéâtre de Nîmes). De plus, le regard des spectateurs est arrêté par un gigantesque mur de scène, un velum peut même être tendu au-dessus de l'hémicycle, achevant d'isoler le spectateur du reste de la ville.

Comme aujourd'hui, à l'époque romaine, le théâtre est un lieu où se réunir et se faire voir, où même créer des occasions amoureuses.

Voir le texte d'Ovide, Art d'Aimer I, 89-100.

A la différence d'aujourd'hui, mettant en présence les citoyens de toutes les classes sociales, le théâtre devient un lieu de dialogue entre le prince et le peuple. L'empereur Auguste tenait particulièrement à assister aux Jeux et à s'y faire voir, lui et les membres de la famille impériale, à être en contact avec le peuple romain. Peut-on aujourd'hui se trouver facilement dans la même salle de spectacle que la reine Elizabeth ou le président Chirac ?

Ceci n'est qu'une apparence de démocratie : la distribution du public dans la cavea , reproduisant strictement la hiérarchie sociale, est anti-démocratique au possible. Dans la même idée de différenciation sociale, il est obligatoire de porter la toge pour assister aux représentations.

Au départ, les spectateurs étaient debout, ce qui ne permettait pas de distinction.

Lors des Jeux Plébéiens de 200, apparaissent des sièges temporaires ; en 195, les sièges sont séparés pour les sénateurs et le peuple. Auguste met en place une stricte hiérarchisation des places du théâtre, dont les gradins se présentent en trois "couronnes" concentriques.

Les loges d'honneur sont réservées au président des jeux, aux Vestales et, plus tard, à la famille impériale ; l'orchestra et la première "couronne" aux sénateurs (en toge prétexte) et aux chevaliers, assis, dès 68, dans les 14 premiers rangs juste derrière l'orchestra ; celle du milieu aux citoyens romains et, tout en haut des gradins prend place le peuple (en costume sombre) ; les esclaves et les étrangers restent debout sous le portique qui surmonte le dernier rang des gradins.

Les sujets politiques ne sont pas abordés au théâtre dans la Rome républicaine ou alors avec un conformisme sans danger. La liberté d'expression, la licentia (droit d'expression libre), permise lors la procession inaugurale, n'est pas de mise au théâtre.

 

7. Le cadre des représentations théâtrales : les Jeux

Les représentations théâtrales ont toujours lieu dans le cadre des "Jeux publics" ( les Ludi ) ou à l'occasion de la dédicace d'un temple, des funérailles d'un membre d'une famille patricienne, d'un triomphe.

Qu'est-ce que les Jeux ? Cicéron les définit ainsi :

"Les Jeux publics sont de deux sortes, le cirque et le théâtre. Dans le cirque, on assiste aux concours, aux exhibitions d'athlètes, aux courses de chars. Au théâtre, on écoute des chants, de la musique vocale et instrumentale."

Tous les Jeux, quels qu'ils soient, s'articulent en trois parties (1/ procession inaugurale - 2/ jeux scéniques - 3/ un jour au moins de jeux du cirque) et prennent le nom du lieu où ils se déroulent : Ludi circenses (au cirque), Ludi scaenici (sur des tréteaux d'occasion ou, plus tard, dans des théâtres).

Avec le temps, les Jeux ne cessent de se multiplier et de se diversifier:

4-10 avril : Jeux de la Grande Mère

12-19 avril : Jeux de Cérès

28 avril - 3 mai : Jeux de Flore

6-16 juillet : Jeux d'Apollon

4-19 septembre : Jeux Romains

4-17 novembre : Jeux de la Plèbe.

Leur durée ne fait que croître : par exemple, les Jeux Romains, qui duraient originellement un jour, en comptent quinze sous Auguste ; les jeux qui, au départ, n'occupaient qu'une partie de la matinée, prennent l'entier de la journée et se prolongent tard dans la nuit.

Ainsi, à la fin de la République, il y a 55 jours de jeux scéniques officiels par an ; sous Marc Aurèle, on compte 135 jours de jeux annuels ; en 354 : 175 (dont 101 jours de jeux scéniques), sans parler des jeux exceptionnels (à l'occasion de funérailles, triomphes, anniversaires ... ) et de reprises des jeux, sous prétexte d'interruption.

L'inflation progressive du nombre et de la durée des Jeux et la taille des théâtres amènent vite à penser que le peuple romain tout entier passait l'essentiel de sa vie au théâtre et au cirque.

 

8. Le donataire des Jeux : le dator ludi

Le spectacle est gratuit et ouvert à tous, mais sa mise au point représente, pour celui qui le finance, un investissement considérable. La dépense des jeux est souvent prise en charge par un magistrat (édile, praetor urbanus ) qui saisit cette occasion pour accroître sa popularité et ses chances d'être élu à des charges plus élevées.

Les Jeux ont toujours été un moyen de propagande politique ou électorale ; sous l'Empire, ils sont (avec les distributions de blé) l'un des instruments les plus efficaces de l'absolutisme et permettent de tenir sous contrôle la population urbaine, qu'il faut occuper et distraire.

Les hommes politiques ambitieux rivalisent d'imagination et de moyens pour étonner et charmer un public toujours plus exigeant : les jeux proposent des exhibitions toujours plus somptueuses, les théâtres se surchargent d'ornements.

 

9. Le spectacle : les gens de théâtre

Le dominus gregis

L'éditeur des jeux engage un entrepreneur de spectacles (dominus gregis ). Cet homme polyvalent, souvent acteur lui-même, assure les relations entre promoteur du spectacle, auteur de la pièce et acteurs de sa troupe. Il achète la pièce à un auteur (scriba), qu'il choisit en fonction de ses propres talents et dans laquelle il se réserve toujours le premier rôle.

Le dominus gregis est le chef d'une troupe qui comprend tous les artisans nécessaires à la réalisation du spectacle (acteurs, danseurs, musiciens), qui sont sous sa responsabilité.

Les acteurs et les danseurs

Les acteurs et les danseurs sont des esclaves ou des affranchis. Ils ont suivi une formation dramatique et sont organisés en troupes (grex, caterva ), dirigées par un chef de troupe (dominus gregis ). Il n'y a pas d'actrices, sauf dans les mimes et les comédies tardives ; les rôles féminins sont tenus par des hommes.

Le statut paradoxal de l'acteur

un esclave ...

L'acteur, esclave ou affranchi, n'est pas un citoyen : il est par conséquent mis au ban de la société romaine. A l'inverse, un citoyen qui fait l'acteur est noté d'infamie, dégradé par les censeurs et exclu de sa tribu. Ainsi, les citoyens romains n'ont pas à se mêler aux acteurs et on trouve cycliquement des mesures de sévérité à l'encontre des acteurs - et des spectateurs. Seule l'atellane, qui appartient au fond italique, fait exception et ne déshonore pas les acteurs. C'est, par ailleurs, le seul endroit où les comédiens ne sont pas masqués.

... et un star

Les acteurs de mimes ou de pantomimes sont de véritables stars. Leur salaire est augmenté des gratifications énormes qu'ils reçoivent. Riches et célèbres, ils sont socialement acceptés ; ils deviennent les favoris des grands et mènent une vie tapageuse. La pantomime, mise à la mode sous Auguste, notamment par Pylade de Cilicie et Bathylle d'Alexandrie, permet et favorise ce phénomène de vedettariat, puisque ce nouveau genre dramatique est entièrement organisé autour de la star, qui joue tous les personnages et dont les solos sont mis en valeur par les chanteurs, qui les reprennent en écho.

 

10. Les personnages et les costumes

Les vastes proportions du théâtre et l'inattention du public rendent nécessaire un décryptage simple du spectacle. C'est pourquoi on retrouve partout une codification très stricte : dans les rôles, les costumes des personnages, le jeu des acteurs, la mise en scène.

Pour chaque rôle, il y a un répertoire de scènes cataloguées, dont le schéma gestuel est réglé d'avance : le "servus currens" , le "senex iratus" etc. Les comédiens se spécialisent donc dans certains rôles et les stars se font écrire des rôles sur mesure.

Le symbolisme des formes et des couleurs des costumes permet une identification immédiate des personnages. Selon une esthétique simple de la verticalité ou de l'horizontalité (qu'on retrouve dans les bandes dessinées ou les dessins animés, où souvent les méchants sont longs et anguleux et les gentils petits et ronds, ce qui permet de les distinguer au premier coup d'oeil), les acteurs portent de longues robes flottantes et de hautes chaussures (cothurnes) s'ils jouent des tragédies, des tuniques et chaussures plates (socus), s'ils jouent des comédies.
 

A gauche :

Acteur

Statue en terre cuite, Pompéi.

Source : Barry Cunliffe,.Rome et son Empire (1978), Armand Colin, Paris 1981, p. 156.

L'acteur représenté ici porte le masque d'un jeune homme de tragédie.

A droite :

Héroïne tragique. Statuette d'ivoire trouvée à Rieti, Paris, Bibl.du Petit Palais.

Source : Daniel Couty et Alain Rey, Le théâtre, Bordas, 1ère édition 1980, p. 15.

Noter l'allongement du personnage, peut-être Clytemnestre : onkos demesuré, hauts cothurnes, robe plissée.


 

Pour les pièces de sujet grec (fabulae palliatae), les costumes sont grecs : pallium , tunique et manteau ; chlamyde, casaque, tunique pour les femmes.

Pour les pièces de sujet romain (fabulae praetextae ; fabulae togatae), les costumes sont romains : toge pour les hommes libres, tuniques pour les esclaves, manteau pour les voyageurs, tunique, robe ou manteau pour les femmes, manteau bigarré du leno , fichu jaune de la courtisane ...

Dans les tragédies, l'acteur incarne les dieux et les héros et porte des costumes somptueux, d'une richesse proportionnelle à la qualité du personnage qu'il représente. Mais son costume ne lui appartient pas : il est fourni par le dominus gregis ou même par de riches particuliers, comme Lucullus, par exemple.

Les perruques (blondes pour les jeunes gens, blanches pour les vieillards, rousses pour les esclaves), les fards et les masques symbolisent l'âge, la situation et le caractère de personnages de convention.


Masque de théâtre.
Fresque de Pompéi. Naples, Musée archéologique.
Source : Antonio Varone et Erich Lessing, Pompéi, Ed. Terrail, Paris 1995, p. 50.

Cette fresque laisse imaginer les différentes possibilités de jeu du visage.

Les costumes, les perruques et les masques haussent et élargissent des personnages qui doivent être vus de loin et se détacher sur un mur de scène immense et très lourdement chargé, les rendant plus visibles et reconnaissables.

 

11. Le jeu de l'acteur

Tout comme les costumes et le maquillage, le jeu de l'acteur est strictement codifié.Les nombreux traités écrits à ce sujet, soit par des acteurs (comme Roscius), soit par des théoriciens (comme Pline l'Ancien), nous sont partiellement conservés par les citations qu'en fait Quintilien (surtout le livre XI de l'Institution Oratoire).

On distingue 5 sortes de jeu : le jeu de la voix, le jeu du visage (spécifiquement romain, puisque les Grecs ne jouaient pas sans masques), le jeu des mains, le jeu du corps et la démarche.

 

12. Le décor et la machinerie

Comme tout le reste, le décor est, lui aussi, strictement codifié.

Texte

Vitruve (Architect. V, 5-7) distingue trois sortes de décors :

"Il y a trois sortes de scène : la tragique, la comique, la satyrique. Leurs décors sont différents en ce que la scène tragique a des colonnes, des frontons élevés, des statues et tels autres ornements qui conviennent à un palais royal. La décoration de la scène comique représente des maisons particulières avec leurs balcons et leurs fenêtres disposés à la manière des habitations ordinaires. La scène satyrique est ornée de bocages, de cavernes, de montagnes et de tout ce que l'on voit dans les paysages peints."

Le décor varie peu d'une pièce à l'autre, parce que le principal décor est fixe : c'est le mur de scène. Son ornementation toujours plus lourde répond à deux objectifs : faire voir la générosité du donataire des Jeux et fabriquer l'illusion, selon un code très précis.

C'est dans la technique et la machinerie que les Romains innovent.

Les Romains reprennent et développent les techniques mises au point par les ingénieurs grecs et inventent des grues et trappes, pour faire descendre des dieux du ciel (d'où l'expression latine : deus ex machina ) ou monter des fantômes du monde des morts, ils créent des truquages et des décors à double-face (versatiles )...

Le public romain raffole de ces réalisations féériques.

 

13. La mise en scène

Le développement du théâtre latin est très rapide mais ne dure pas. L'âge d'or du théâtre latin se concentre sur le 2ème siècle av. J.-C.

Pour plaire, il n'y a pas besoin d'inédit ! Du 4e s. av. au 4e s. apr. J.-C., ce sont toujours les mêmes types de spectacles qui ont du succès (fables mythologiques avec musique et danse), qui mettent en scène les mêmes sujets (Hélène, Enée, Andromède et Persée, le jugement de Pâris ... ). Il faut du sensationnel ! Les nouvelles possibilités techniques données par le développement de la machinerie engagent le spectacle dans le spectaculaire. La mise en scène finit par prédominer, jusqu'à rejoindre, dans son réalisme, les spectacles donnés dans d'autres cadres. Déjà lors de la dédicace du théâtre de Pompée, la représentation du Cheval de Troie avait été l'occasion d'une véritable procession triomphale. Le phénomène s'accentue jusqu'à la dérive. A la dernière scène du mime, l'acteur est remplacé par un condamné à mort, supplicié devant le public pour représenter en vrai, comme à l'amphithéâtre, les morts des épisodes légendaires : Penthée déchiré par les Bacchantes ou Hercule brûlé vif ... au grand plaisir d'un public populaire peu porté sur les exhibitions littéraires.

Cette "évacuation du texte" a deux conséquences sur la mise en scène :

1/ le choeur n'est plus présent tout au long de la pièce dans l'orchestra , mais il est relégué sur la scène, où il entre et sort comme les autres acteurs. C'est pour cette raison que l'orchestra, devenue inutile, perd du terrain (elle ne forme plus qu'un demi-cercle) et sert de "parterre" aux spectateurs de marque.

2/ il faut des signes clairs pour que le public comprenne la pièce et son déroulement : un acteur sur le proscenium dit un résumé de la pièce (prologue) et la formule finale est toujours la même.

Texte

Trois exemples de Plaute :

Nunc, spectatores, Jovis summi causa clare plaudite. (Amphitryon)

Et si fabula perplacuit, clare plaudite. (Aululaire)

Spectatores, vos valere volumus et clare plaudere. (Bacchides)

 

14. La musique

Le rôle de la musique est essentiel dans le théâtre latin. Comme un opéra aujourd'hui, une représentation scénique est inconcevable sans accompagnement musical : un musicien professionnel compose ouverture, intermèdes et accompagnement sur les vers du poète. La musique est exécutée par les tibicines (joueurs de flûte) sur deux flûtes (tibiae), l'une de ton grave (dextra), l'autre de son aigu (sarrana) ou sur des flûtes doubles, graves et aiguës. Le ton est choisi en fonction du rôle, le grave et l'aigu soulignent les dialogues entre pères et fils dans les comédies (ce qui explique les échanges de répliques très rapides). La musique ne fait que croître en importance dans les représentations théâtrales. Sous l'Empire, on voit apparaître de nouveaux instruments dans la pantomime, formant de véritables orchestres : syrinx, lyre, cithare, trompette, orgue.

 

15. Le public

Le public se divise : se constituent deux publics et deux types de théâtre.

a/ Le grand public

La scène romaine populaire privilégie le "grand spectacle", la mise en scène fastueuse, extravagante et fantastique, l'exhibition de toutes espèces d'animaux rares... Le texte est évacué. Sous Auguste, la comédie n'existe plus et la tragédie ne se joue plus. On aime des spectacles comme ...

- l'atellane (originaire d'Atella en Campanie) : une courte farce, improvisée par des acteurs portant un masque, incarnant des personnages de convention : Maccus, Bucco, Dossenus, des êtres monstrueux : Manducus (= l'ogre) et Lamia (l'ogresse) etc.

- le mime, spectacle de danse, qui met en scène des sujets légers, voire scabreux ; c'est le seul spectacle où jouent des actrices, souvent assimilées à des prostituées

- la pantomime, spectacle typiquement romain, ballet à sujet mythologique, de tonalité tragique, comportant un acteur , un orchestre et le choeur.

Les auteurs de pantomime ne gardent des tragiques que les parties chantées, épargnant ainsi au public l'ennui de l'histoire. Plutarque nous dit: "Les spectateurs ne viennent pas à la pantomime pour entendre des mots". (Questions de Banquet, 748 c)

La pantomime ne pouvait que plaire : elle touche les émotions brutes ; sans texte, elle est accessible à tous, y compris un barbare qui ignore le latin et le grec. Elle est l'un des véhicules simples de la romanisation dans les provinces.

b/ Le public des lettrés

Dans les cercles privés des aristocrates lettrés parallèlement se développe un théâtre littéraire : on se met à récrire des pièces pour l'élite hellénisée, sans souci de leur réception par le grand public.

L'habitude des lectures publiques (introduites déjà par Asinius Pollion au Ier s. av. J.-C.) s'étend, sous l'Empire, à la tragédie. A cet usage, les puissants construisent chez eux de véritables salles de théâtre privées, avec une scène, une orchestra, des chaises pour les auditeurs et des gradins au fond pour les clients.

L'apparition et le développement des pantomimes et des recitationes est simultané, mais la conception qui transparaît dans ces deux formes de spectacles est diamétralement opposée, tant du point de vue idéologique que du point de vue esthétique.
 
 

Conclusion

Que reste-t-il aujourd'hui du théâtre antique ?

a/ Les grands spectacles

Au terme de son développement populaire, le théâtre romain, est très éloigné de ce que, aujourd'hui, nous appelons "théâtre" et correspondrait plutôt à de grandes manifestations collectives (comme la Fête des Vignerons). Ce n'est pas le sujet, mais la manière de le traiter qui crée le succès, ce n'est pas l'intelligence, mais l'émotion qu'on cherche à toucher.

b/ L'organisation des salles de spectacle

Il reste pourtant des traces "matérielles" du théâtre romain dans l'organisation même des salles de spectacle : la forme circulaire des salles de théâtre (pour les bâtiments déjà anciens : l'héritage du passé est moins présent dans les constructions contemporaines) reproduit celle des théâtres romains.

La fonction première de l'orkhêstra des Grecs est plus perceptible encore dans les salles d'opéra, où cet espace est consacré aux acteurs du spectacle : à l'orchestre !

On retrouve la hiérarchisation de la cavea : parterre et les loges, 1er, 2e balcon et tout en haut les moins bonnes places : le "paradis" ou le "poulailler".

A réfléchir : le mot "poulailler", dans ce sens-là, pourrait-il venir de [tunica] pulla : la tunique sombre des petites gens, qui justement occupaient les mauvaises places ? c/ Le théâtre antique

Il ne nous reste que quelques fragments de cette vie théâtrale : quelques monuments plus ou moins bien conservés, des pièces (en nombre infime au regard de l'extraordinaire activité dramatique des auteurs grecs), quelques écrits théoriques (comme Vitruve, qui, dans le livre V du De Architectura traite des endroits propices à la construction des théâtres, de leur architecture et de leur acoustique).

Mais on n'a jamais cessé de jouer le répertoire antique, surtout grec (il suffirait de consulter des programmes de saisons théâtrales !), parfois dans un cadre antique.

d/ Le théâtre à sujets antiques

Les auteurs de théâtre, de la Renaissance au XXe s. n'ont jamais cessé d'adapter, de copier, de transformer le théâtre grec.

On peut citer le théâtre classique français bien sûr (sur les 12 tragédies de Racine, il n'y en a que quatre à ne pas s'inspirer par l'antiquité gréco-latine) et Giraudoux (Amphitryon 38, La Guerre de Troie n'aura pas lieu, Electre ), Anouilh (Antigone ), Sartre (Les Mouches ) etc...

Mais il faut nuancer : de Rome ne sont repris que les sujets (Britannicus, Bérénice ... ) et les sources ne sont pas des auteurs dramatiques, mais des historiens.

 


 

DOCUMENTS ANNEXES

 

I. Trois textes latins

Se faire voir au théâtre (Ovide, Art d'Aimer I, 89-100, avec des coupures) :

Sed tu praecipue curvis venare theatris :

Illic invenies quod ames, quod ludere possis,

Quodque semel tangas, quod tenere velis.

(...) Sic ruit ad celebres cultissima femina ludos ;

Copia judicium saepe morata meum est.

Spectatum veniunt ; veniunt spectentur ut ipsae.

Ille locus casti damna pudoris habet.

Traduction

Mais c'est surtout dans les théâtres et leurs gradins en demi-cercle que tu chasseras : ces lieux t'offriront plus que tu ne peux désirer. Là tu trouveras de quoi aimer, de quoi pouvoir t'amuser, de quoi faire une conquête passagère, de quoi nouer une liaison durable. (...) les femmes, dans leurs atours les plus élégants, se pressent aux jeux où va la foule : leur nombre a souvent fait hésiter mon choix. C'est pour voir qu'elles viennent ; mais elles viennent aussi pour être vues ; l'endroit est dangereux pour la chaste pudeur.

Hiérarchisation des places de la cavea (Suétone, Aug. 44) :

Spectandi confusissimum ac solutissimum morem correxit ordinavitque... Facto igitur decreto patrum ut, quotiens quid spectaculi usquam publice ederetur, primus subselliorum ordo vacaret senatoribus, Romae legatos liberarum sociarumque gentium vetuit in orchestra sedere, cum quosdam etiam libertini generis mitti deprehendisset. Militem secrevit a populo. Maritis e plebe proprios ordines assignavit, praetextatis cuneum suum, et proximum paedagogis, sanxitque ne quis pullatorum media cavea sederet.

Traduction

Il régnait dans les spectacles une confusion et un sans-gêne extrêmes : Auguste y introduisit l'ordre et la discipline .... Il fit donc décréter par le Sénat que, pour tout spectacle public donné en quelque lieu que ce fût, le premier rang de banquettes devait être réservé aux sénateurs, et il défendit qu'à Rome les ambassadeurs de nations libres ou alliées prissent place dans l'orchestre, parce qu'il s'était aperçu que leurs délégations comprenaient même des affranchis. Il sépara les soldats du peuple. Il assigna aux plébéiens mariés des gradins spéciaux, aux jeunes gens vêtus de la prétexte un secteur particulier, et celui d'à côté à leur précepteurs ; il interdit les places du milieu à tout spectateur vêtu de sombre (c'est-à-dire : qui ne porterait pas la toge).

Statut légal des acteurs

Nostrae duodecim tabulae cum perpaucas res capite sanxissent, in his hanc quoque sanciendam putaverunt, si quis occentavisset sive carmen condidisset quod infamiam faceret flagitiumve alteri. Praeclare ; judiciis enim magistratuum, disceptationibus legitimis propositam vitam, non poetarum ingeniis habere debemus, nec probrum audire nisi ea lege ut respondere liceat et judicio defendere. (Cicéron, Rep. 4, 11)

Traduction

Nos lois des XII Tables qui prononcent en si peu de cas la peine capitale ont voulu que ce supplice fût infligé à celui qui réciterait publiquement ou prononcerait des vers diffamatoires ou injurieux. Rien de plus juste, car notre vie doit être soumise au jugement des magistrats, à leurs sentences légitimes, non aux fantaisies des poètes et nous ne devons pas nous laisser insulter sans qu'il ne nous soit permis de répondre et de nous défendre au tribunal.
 
 

II. Consignes et descriptif du dossier



Ordre de grandeur : maximum 15 pages, caractère 12, interligne moyen.
 

Contenu :

1 page-titre avec illustration de couverture (cf. prototypes)

1 page "Table des matières"

8 pages de texte, comportant : une introduction, x chapitres numérotés, une conclusion

1 page de Bibliographie
 

Seront également disponibles, intégrés dans le texte ou annexés en fin de dossier (cf. "Conseils", p. 3 : rôle des documents annexés) :

2 textes cités en français (avec les références précises = auteur, oeuvre, livre, chapitre : p. ex. Cicéron, Rep. 4, 11);

2 textes latins (pas plus de10 lignes) avec tout le matériel nécessaire pour que vous puissiez en maîtriser la traduction française : vocabulaire et la traduction. Ces textes peuvent être pris dans Magnard 3 (ou ailleurs : à voir ensemble). La traduction de ces textes sera vérifiée lors de l'examen oral (avec la scansion si nécessaire);

au moins 4 documents iconographiques, accompagnés d'une légende.

ATTENTION : il n'est pas utile de faire figurer dans votre travail des documents à titre cosmétique seulement. Je vous demanderai donc d'en faire quelque chose ! En clair ... cela veut dire que les documents figuratifs que vous proposez doivent donc s'accompagner de 2 éléments au moins : un descriptif technique (d'où les tirez-vous ?) et un commentaire (à quoi nous sert cette image ? que montre-t-elle ? que pouvons-nous en tirer ? pourquoi l'avez-vous choisie ?)

Exemple:

L'Acropole d'Athènes sous l'Empire romain. Maquette de M. Korres.

Source : A.H. Borbein, La Grèce antique. Ed. Bordas Civilisations, 1995. p. 211.

Commentaire : On voit, en orange, les innovations romaines, en particulier un toit pour couvrir le théâtre d'Hérode Atticus et un mur de scène ajouté au théâtre de Dionysos.

Dans les documents iconographiques, devraient figurer au moins :

- 1 plan, une carte ou un schéma

- 3 illustrations qui soutiennent vos propos (n'en mettez pas 15 - ou alors il y aura plus de 15 pages !)
 

Calendrier

décembre : présentation des 2 prototypes (ES Belvédère : la navigation / ES Cossonay : le théâtre) et présentation des sujets possibles

Vacances de Noël : vous réfléchissez, discutez avec des gens, choisissez un sujet ...

Janvier- 20 mars : travail sur le dossier avec 1 période par semaine consacrée à cela, le reste à domicile

Vacances de Pâques : retour des dossiers

Rentrée de Pâques : dossiers en retour, avec des annotations, des recherches complémentaires, des améliorations à faire. A vous de gérer cela : je ne m'occupe plus de rien, mais je donne volontiers des conseils et des explications.

Oral du certificat (20 minutes) : vous venez avec votre dossier et toutes les notes que vous voulez.

A partir de 2 inconnues, un document iconographique antique et un texte moderne (article de journal, p. ex.), vous serez amenés à restituer votre dossier. Les deux textes latins que vous avez préparés vous seront demandés (ou au moins partiellement).

TOUT EST PREPARE, mais vous ne connaissez pas l'angle d'attaque.


 
 

III. Quelques conseils pour la rédaction...

 

I. Présentation générale

II. Page-titre

III. Table des matières

IV. Introduction

V. Texte du dossier

VI. Documents annexés

Textes antiques cités en français

Textes latins

Documents iconographiques

VII. Internet

VIII. Conclusion

IX. Bibliographie

 

 

I. Présentation générale


a/ Numérotez les pages et faites figurer cette numérotation dans la Table des matières.


b/ Vérifiez (ou faites vérifier) votre orthographe.

Les fautes d'orthographe, de syntaxe et de français sont encore plus visibles dans un texte tapé à l'ordinateur !


c/ Harmonisez votre système de référence et d'orthographe.

On peut dire : Vie d'Antoine 25 et 108 ou : Vie d'Antoine XXV et CVIII - mais pas : Vie d'Antoine 25 et CVIII !
On peut écrire : le Sénat ou le sénat, mais pas tantôt l'un, tantôt l'autre !

d/ Aérez la présentation du texte.
Souciez-vous de la mise en page, ne collez pas le texte au titre, séparez les paragraphes par un interligne, choisissez des marges assez grandes ...
e/ Favorisez la circulation interne, reliez les documents que vous avez trouvés à ce que vous dites.
Faites des renvois dans le texte :
P. ex. : Voir illustration p. 12 / Voir texte p. 14 ...


II. Page-titre


Le titre de votre dossier doit convenir à son contenu.

Vérifiez-le une fois que vous aurez tout terminé.

Pour être sûr que votre titre général convienne, posez-vous deux questions:

De quoi ai-je parlé ? Le titre est-il assez général pour englober tout ce dont j'ai parlé ?

P. ex : un travail qui traite des panthères, des lions et des rhinocéros ne peut pas s'intituler "Les animaux romains" !
 

III. Table des matières

La Table des matières remplit une double fonction :

- elle sert à visualiser le plan que vous avez suivi et à se faire rapidement une idée du contenu du dossier ;

- elle permet de retrouver l'un ou l'autre élément du dossier rapidement.
 

C'est pourquoi vous devez :

- détailler votre matière et la hiérarchiser dans la mise en page (chapitre, sous-chapitres, documents annexés)

- inclure le numéro de page pour chaque chapitre.

Exemple :

1. Introduction. Définition du sujet p. 2

2. Le temps du travail, le temps des vacances p. 2
 

a/ otium et negotium b/ le peuple reste à Rome c/ les riches partent à la campagne
 
C'est une bonne idée de faire figurer les documents annexés dans la Table des matières.  
Exemple :

9. Documents annexés
 

a/ Textes français p. 20 titre du texte 1 (nom de l'auteur) titre du texte 2 (nom de l'auteur)
b/Textes latins p. 21
titre du texte 1 (référence précise) titre du texte 2 (référence précise)
c/ Documents figurés
page-titre : titre du doc. 1 / p. 5 : titre du doc. 2 / p. 11 : titre du doc. 3 ... etc.
 

IV. Introduction


Tout comme la conclusion, l'introduction se fait en dernier !

Vous direz : "Voici ce que j'ai voulu faire et dans quel ordre j'ai décidé de présenter les choses ...", mais,

en réalité, cela veut dire : "Voici ce que vous allez lire, dans cet ordre-là ..."
 

Dans l'introduction :

- donnez les raisons qui vous ont poussé à choisir votre sujet.

- annoncez les grandes lignes de votre plan (Je me propose de parler de ceci, puis de cela, de cela et de conclure par une réflexion sur ...)

Vous avez le droit de décider de ne pas traiter tous les aspects du sujet, mais dites-le.

P. ex. : Dans cette étude, j'ai trouvé bon, pour telle et telle raison, d'exclure tel ou tel aspect ...

- éventuellement : dites quel emploi vous comptez faire des documents annexés.


V. Texte du dossier

Votre dossier est constitué d'un certain nombre de chapitres numérotés et dotés d'un titre. Ces chapitres doivent constituer un tout autonome.

- Le titre doit pouvoir se comprendre sans qu'on ait besoin de se reporter à ce qui précède.

Evitez les formulations en "son, sa, leur ..." : très vite on ne sait plus de quoi on parle !


- Chaque chapitre doit comporter un développement.

Vous devez impérativement y dire quelque chose !
Impossible, sous un titre de chapitre, de seulement citer un texte antique qui en serait le développement. Le texte est une illustration ou un prolongement de ce que vous dites.
 

- N'oubliez pas de donner les informations générales indispensables.

Votre lecteur n'est pas un spécialiste du sujet que vous lui présentez ! Il doit pouvoir vous comprendre sans avoir à faire des recherches supplémentaires.
P. ex. : si vous parlez du "système de phalange des Romains", expliquez ce que c'est.


 
- Hiérarchisez les informations que vous donnez (du général au particulier).

Avant de donner les détails inattendus ou les exceptions sensationnelles, donnez les renseignements générauxindispensables.
P. ex. : avant de détailler l'armement du fantassin, n'oubliez pas de dire que l'armée romaine se compose de cavaliers et de fantassins et dans quelles proportions.
 

- Veillez à citer une succession de faits ou d'exemples dans l'ordre chronologique.

P. ex. : ne citez pas en vrac Pline le Jeune, Cicéron, Hadrien, la villa de Piazza Armerina, Horace,la Villa des Mystères à Pompéi et le palais de Livie !
 

- Evitez les affirmations arbitraires.

Les affirmations générales sont souvent gratuites et risquent d'être contestées. P. ex. : ne dites pas "Les Romains sont casaniers" ou "Un enfant sur deux mourait à la naissance"
... ou alors, justifiez ce que vous dites.
 

- Arrivé à la fin du chapitre, prenez du recul pour faire une "mini-conclusion", qui servira de transition au chapitre suivant.

P. ex. : Dans ce chapitre vous avons vu que ... Il nous faut maintenant parler de ...
 


VI. Documents annexés

Textes antiques cités en français

Votre dossier contiendra 2 textes courts (grand maximum 10 lignes) en traduction française, avec les références précises.

Références précises = auteur, oeuvre, livre, chapitre / numéros des vers
P. ex. : Cicéron, Rep. 4, 11 / Virgile, Enéide 6, 27-42

- Réfléchissez au rôle que vous voulez donner aux textes annexés.

Il y a 2 possibilités :

Dans certains sujets, les textes peuvent servir de base à votre réflexion.

Présentation :

Sous le titre de chapitre, mettez :

- quelques mots d'introduction au texte (qui est l'auteur ? le texte est-il ou non contemporain des faits qu'il rapporte ? ...)

- le texte (sans oublier de citer ses références)

- un développement = quelques lignes de commentaire (pourquoi avoir choisi ce texte ? que montre-t-il de significatif ou d'important ? que peut-on en conclure sur le sujet qui nous occupe ? ...)
 

Dans d'autres, il serviront à illustrer vos propos.

Présentation :

Le texte suivra votre développement.

"Ce que je viens de dire - et que j'ai tiré d'un ouvrage général - se vérifie dans ce texte de ... " et dire 2 mots de l'auteur.
 
 

Textes latins

Votre dossier contiendra 2 textes latins (env. 10 lignes) avec le vocabulaire et la traduction.

Ces textes latins doivent montrer que vous savez conduire une recherche de langue ; ils vous seront demandés (au moins partiellement) lors de l'examen oral.
 

Mettez les textes latins en annexe, à la fin et accompagnez-les de tout le matériel nécessaire :

- quelques mots sur le contexte (attention à ne pas laisser des noms propres dont vous ignorez tout !)

- la scansion si nécessaire

- la recherche de vocabulaire

- la traduction écrite (que vous ferez vous-mêmes !) 
 

Documents iconographiques, accompagnés d'une légende.

Votre dossier contiendra au moins 4 documents iconographiques, dont un en page-titre.

- Essayez de privilégier la diversité.

P. ex. : mettez un plan, carte ou schéma et 3 illustrations de type différent (p. ex. : statue, bâtiment, fresque)

- Veillez à exploiter ces documents, à "en faire quelque chose".

Les documents figuratifs doivent s'accompagner
- d'un descriptif technique (d'où les tirez-vous ?)
- d'un commentaire (à quoi nous sert cette image ? que montre-t-elle ? pourquoi l'ai-je choisie ?)

Exemple :

L'Acropole d'Athènes sous l'Empire romain. Maquette de M. Korres.

Source : A.H. Borbein, La Grèce antique. Ed. Bordas Civilisations, 1995. p. 211.

Commentaire : On voit, en orange, les innovations romaines, en particulier un toit pour couvrir le théâtre d'Hérode Atticus et un mur de scène ajouté au théâtre de Dionysos.
 

- Si vous proposez un document qui n'est pas antique (BD, tableau, image de film ...), réfléchissez sur les éventuels anachronismes ...


- Si vous proposez plus de 4 documents :

- dites-vous que ce sera un supplément à vos 15 pages ;

- groupez-les à la fin en "Documents annexés" pour ne pas couper le texte ;


MAIS utilisez-les :

- numérotez-les et faites des renvois (qui seront plus faciles) dans le texte ;

- faites-en éventuellement une liste qui pourrait figurer dans la Table des matières.

 

VII. Internet

Si vous disposez d'Internet (à l'école ou chez vous ...), pourquoi ne pas en profiter ?

Mais n'oubliez pas ...

- que les recherches sur Internet ne sont pas forcément un gain de temps ;

- que tous les renseignements que vous pourrez y trouver ne sont pas forcément exacts (vérifiez !) ;

- que certaines images sont cryptées ;

- que vous devrez citer vos sources en faisant figurer dans la Bibliographie les sites que vous avez consultés.
 

VIII. Conclusion

A la fin de votre travail, prenez un peu de recul (et de liberté). Voici quelques suggestions :

- Faites une comparaison "autrefois - aujourd'hui".

Qu'est-ce que ce sujet a à faire avec ce que nous voyons aujourd'hui ? est-ce comparable ? en quoi ? est-ce différent ? en quoi ? Pourquoi est-ce important ?
 

- Donnez quelques impressions sur votre travail et son déroulement.

Comment avez-vous procédé ? Quels ont été vos difficultés, vos joies, vos découragements, votre cheminement ?

 

IX. Bibliographie

- Essayez de classer les sources que vous avez utilisées, du plus général au plus précis.

dictionnaires et ouvrages généraux / monographies (= ouvrages spécialisés sur un seul sujet) / textes antiques /
sources des illustrations / liens Internet ...
 

- Donnez le prénom et le nom de l'auteur, le titre de l'ouvrage (en italiques), l'édition, le lieu et la date d'édition.

P. ex. : Jacques ANDRE, L'alimentation et la cuisine à Rome, Les Belles-Lettres, Paris, 1981
 

- Soyez très précis dans le relevé des adresses Internet : chaque caractère étant important, le plus simple est de procéder par "copier-coller".

P. ex. : http://www.gratumstudium.com/latin/menu_latin.asp

 

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